Le chanteur congolais Tabu Ley Rochereau, légende de la musique africaine, auteur de 3 000 chansons, est mort samedi à Bruxelles.
Dans les années 90, il fuit un pays ravagé par la corruption. Il enregistre pour Realworld, le label de Peter Gabriel, Babeti Soukouss, excellent disque destiné au public occidental, demande un permis de séjour à la France qui le lui refuse - probablement suite aux pressions du clan Mobutu sur le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua.
Quelques dizaines d’enfants de tous âges (dont le rappeur français Youssoupha) sont orphelins depuis samedi : leur père biologique Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu, dit Tabu Ley Rochereau, est mort à Bruxelles, à 73 ou 76 ans, selon les sources. En Afrique et ailleurs, des millions de fans portent le deuil de ce géant, auteur de 3 000 chansons, l’un des trois noms d’or de la rumba congolaise, avec le guitariste Franco Luambo (mort en 1989) et le chanteur Papa Wemba (né en 1949).
«Rochereau» était le surnom dont l’avaient affublé ses condisciples quand, en cours d’histoire, il avait été le seul à connaître le nom de ce maréchal d’empire. Son pays, sous administration coloniale, s’appelait alors le Congo belge. En 1959, quand l’indépendance est proclamée, Rochereau est déjà chanteur, dans l’African Jazz de Joseph Kabasélé, dit «Grand Kallé», orchestre phare de la rumba, déclinaison africaine des rythmes venus de Cuba. En 1963, il fait scission et fonde African Fiesta, avec le guitariste Docteur Nico. La même année, selon ses dires, il croise dans les loges du Star Club de Hambourg les futurs Beatles. Qu’il aurait initié aux subtilités des harmonies à quatre voix !
Cuivres. Qu’on accorde ou non du crédit à cette rencontre, il est indéniable que Rochereau introduit le rock et la soul dans la rumba, donnant naissance à un nouveau genre, le soukouss. L’influence de James Brown souffle sur les cuivres, les morceaux s’allongent et les solos de guitare deviennent furieux.
Comme la plupart des musiciens congolais, Rochereau aura des relations tortueuses avec le maréchal-président Mobutu Sese Seko, basées sur les caprices du satrape. Au moment de l’indépendance, le chanteur est partisan du marxiste Lumumba, dont l’assassinat, en 1961, ouvrira la voie au régime Mobutu. Devenu Tabu Ley en 1973, quand le pays se rebaptise Zaïre et l’utilisation du français est bannie, il est désigné pour se rendre au Fespac de Lagos, prestigieux lieu de rendez-vous des arts noirs. Il participe également au festival musical qui accompagne le championnat du monde de boxe poids lourds entre Mohamed Ali et George Foreman, à Kinshasa en octobre 1974. Ses prestations, que retrace le documentaire Soul Power, sont étincelantes. Tabu Ley Rochereau est alors à son apogée, publie deux disques par an et multiplie les conquêtes féminines.
Dans les années 90, il fuit un pays ravagé par la corruption. Il enregistre pour Realworld, le label de Peter Gabriel, Babeti Soukouss, excellent disque destiné au public occidental, demande un permis de séjour à la France qui le lui refuse - probablement suite aux pressions du clan Mobutu sur le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua.
Député. Il part vivre aux Etats-Unis et ne rentre au pays qu’après la mort du dictateur, en 1997. La politique prend alors le pas sur la musique : Tabu Ley Rochereau est élu député et devient, en 2005, vice-gouverneur de Kinshasa. En 2008, il est victime d’un AVC, dont il ne s’est jamais remis. Son corps devrait être transféré à Kinshasa, où l’attendent des funérailles officielles.
Photo : Tabu Ley Rochereau, en 1993, à Paris. (Photo Marc Chaumeil)
«Rochereau» était le surnom dont l’avaient affublé ses condisciples quand, en cours d’histoire, il avait été le seul à connaître le nom de ce maréchal d’empire. Son pays, sous administration coloniale, s’appelait alors le Congo belge. En 1959, quand l’indépendance est proclamée, Rochereau est déjà chanteur, dans l’African Jazz de Joseph Kabasélé, dit «Grand Kallé», orchestre phare de la rumba, déclinaison africaine des rythmes venus de Cuba. En 1963, il fait scission et fonde African Fiesta, avec le guitariste Docteur Nico. La même année, selon ses dires, il croise dans les loges du Star Club de Hambourg les futurs Beatles. Qu’il aurait initié aux subtilités des harmonies à quatre voix !
Cuivres. Qu’on accorde ou non du crédit à cette rencontre, il est indéniable que Rochereau introduit le rock et la soul dans la rumba, donnant naissance à un nouveau genre, le soukouss. L’influence de James Brown souffle sur les cuivres, les morceaux s’allongent et les solos de guitare deviennent furieux.
Comme la plupart des musiciens congolais, Rochereau aura des relations tortueuses avec le maréchal-président Mobutu Sese Seko, basées sur les caprices du satrape. Au moment de l’indépendance, le chanteur est partisan du marxiste Lumumba, dont l’assassinat, en 1961, ouvrira la voie au régime Mobutu. Devenu Tabu Ley en 1973, quand le pays se rebaptise Zaïre et l’utilisation du français est bannie, il est désigné pour se rendre au Fespac de Lagos, prestigieux lieu de rendez-vous des arts noirs. Il participe également au festival musical qui accompagne le championnat du monde de boxe poids lourds entre Mohamed Ali et George Foreman, à Kinshasa en octobre 1974. Ses prestations, que retrace le documentaire Soul Power, sont étincelantes. Tabu Ley Rochereau est alors à son apogée, publie deux disques par an et multiplie les conquêtes féminines.
Dans les années 90, il fuit un pays ravagé par la corruption. Il enregistre pour Realworld, le label de Peter Gabriel, Babeti Soukouss, excellent disque destiné au public occidental, demande un permis de séjour à la France qui le lui refuse - probablement suite aux pressions du clan Mobutu sur le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua.
Député. Il part vivre aux Etats-Unis et ne rentre au pays qu’après la mort du dictateur, en 1997. La politique prend alors le pas sur la musique : Tabu Ley Rochereau est élu député et devient, en 2005, vice-gouverneur de Kinshasa. En 2008, il est victime d’un AVC, dont il ne s’est jamais remis. Son corps devrait être transféré à Kinshasa, où l’attendent des funérailles officielles.
Photo : Tabu Ley Rochereau, en 1993, à Paris. (Photo Marc Chaumeil)
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